
Une trame noire fait briller les Vosges
Publié le 19 mars 2025
Dans les Vosges, la communauté de communes de Bruyères-Vallons des Vosges s’impose comme un modèle en matière de préservation de la biodiversité. En 2024, elle remporte le titre prestigieux de Capitale française de la biodiversité. Odeline Dallongeville, cheffe du pôle environnement de la communauté de communes, revient sur la méthode déployée pour établir une trame noire et élaborer une charte intercommunale.
Partager la page
Un projet né d’un constat scientifique
Tout a commencé avec les premières initiatives sur les trames vertes et bleues menées à une échelle intercommunale, notamment dans le cadre du pôle d’équilibre territorial et rural (PETR) pays de la Déodatie. Ces trames, qui visent à relier les habitats naturels pour préserver la biodiversité, avaient été initialement définies par modélisation.
“Nous voulions les affiner, aller au-delà des grandes lignes en nous concentrant sur des éléments plus spécifiques comme les mares ou les prairies”, explique Odeline Dallongeville.
C’est ainsi qu’a vu le jour l’Atlas de la biodiversité intercommunale, un outil clé qui a permis de dresser un inventaire précis des espèces présentes sur le territoire. Avant 2020, aucune étude de cette ampleur n’avait été réalisée. Grâce à lui, plusieurs enjeux cruciaux ont émergé, comme celui de la préservation des chouettes de montagne, des chauves-souris et de certains papillons de nuit, des espèces particulièrement vulnérables à la pollution lumineuse. Ces constats ont poussé la collectivité à prolonger la logique des trames verte et bleue avec une réflexion autour de la trame noire, intégrant les obstacles nocturnes rencontrés par les espèces.
“Nous nous sommes concentrés sur tous les éléments perturbateurs pour ces espèces : éclairage public, routes, ou encore discontinuités écologiques”, précise-t-elle.

Mais la trame noire va plus loin ! Par exemple, les porteurs du projet ont pu définir les principales zones de danger pour les amphibiens, qui rencontrent des problèmes de continuité de mare ou d’écrasement, et ainsi installer des crapaudromes pour les empêcher de traverser des routes où ils risqueraient de se faire écraser.
“L’objectif serait bien évidemment d’installer des passages pérennes, mais cela nécessite des travaux trop importants. Nous avons donc pensé un dispositif ingénieux, qui consiste à placer des filets le long des zones d’écrasements. Les batraciens se laissent guider par eux avant de tomber dans des seaux d’où ils sont récupérés chaque jour par des bénévoles. En 2023, 421 individus ont ainsi été accompagnés dans leur traversée ramenant le taux d’écrasement entre 6 et 7 %. Il en existe 2 aujourd’hui, une troisième installation est en cours de réalisation” explique la cheffe du pôle environnement.
L’ensemble des données collectées par la communauté de communes et les résultats des études conduites ont été mises à la disposition des 34 communes via son site internet.

La trame noire : protéger la biodiversité nocturne
L’élaboration de l’Atlas de la biodiversité intercommunale a permis de définir la trame noire. Cet outil novateur s’attaque aux obstacles écologiques pour les espèces nocturnes, en intégrant des données sur l’éclairage public, la radiance et les habitats naturels. Le résultat ? Une cartographie fine des pressions exercées sur ces écosystèmes (pollution lumineuse, routes, fragmentation des milieux) et des actions ciblées pour les réduire. “L’ensemble du travail a été réalisé en interne, grâce notamment à la présence d’une stagiaire en école d’ingénieur qui durant 9 mois nous a aidé à cartographier les zones par points de conflits, c’est-à-dire une mise en parallèle des continuités écologiques (trames verte et bleue) croisées avec les obstacles. Chaque commune possède sa carte détaillée pour l’aider à résoudre ces conflits” complète Odeline Dallongeville.

La trame noire s’accompagne d’un programme ambitieux : sensibilisation des élus et des administrés, projets participatifs, animations ludiques destinées à un large public… Pour les 34 communes, une charte en trois niveaux d’engagement a été créée. La cheffe de pôle conclut : “Cette dernière est essentielle pour l’uniformisation des actions. Elle doit incarner une vision collective. Actuellement, 24 des 34 communes adhèrent à ce projet”.
Propos recueillis par Chris Mick pour la revue Diagonal
La revue Diagonal donne la parole aux acteurs de l’urbanisme, de l’habitat, de l’aménagement durable et de l’environnement. Éditée par le ministère de la Transition écologique, elle met en lumière les politiques publiques mises en œuvre en s’appuyant sur l’ensemble des savoirs (ceux des chercheurs comme ceux des usagers ou habitants), et sur les retours d’expériences des territoires français (depuis le milieu rural jusqu’aux grandes métropoles).